Que retenir de la première partie de Condition de l’homme moderne ?
Lors du cours du 13 février 2014 nous avons étudié la première partie de Condition de l'homme moderne. Qu'en retenir avant de nous attaquer le 13 mars à sa seconde partie ?
Quand elle écrit Condition de l’homme moderne, quelques années après Les Origines du totalitarisme et au moment même où débute la conquête spatiale, Hannah Arendt a en tête de reconsidérer la condition humaine à partir des « perspectives fournies par nos nouvelles expériences » (les technologies nucléaires et spatiales) et « nos nouvelles peurs » (le totalitarisme). Le but : simplement penser ce que nous faisons.
Pour ce faire Arendt propose d’utiliser un terme venant de la tradition antique, vita activa (vie active), pour regrouper et distinguer trois activités humaines fondamentales correspondant aux conditions de base dans lesquelles la vie sur Terre est donnée à l’homme. Le travail, nécessaire à la conservation et l’entretien du corps humain, correspond à la condition humaine de la vie elle-même. L’œuvre construit un monde artificiel d’objets d’usage qui protège de la nature et loge chacune des vies individuelles. Elle correspond à la condition humaine de l’appartenance au monde. Enfin l’action, seule activité qui mette directement en rapport les hommes, sans l’intermédiaire des objets ni de la matière, correspond à la condition humaine de la pluralité, au fait que ce sont des hommes, tous semblables et tous distincts, et non pas l’Homme, qui vivent sur terre et habitent le monde.
Condition de l’homme moderne peut être vu, à ce stade, comme une histoire et une analyse de l’évolution de la vie active[1] et de la part respective qu’y tiennent la nécessité (le travail), l’utilité (l’œuvre) et la pluralité (l’action).
Pour mener à bien cette analyse, Arendt remonte d’abord aux sources de la pensée occidentale. Elle y retrouve le sens original des domaines privé et public dont la distinction nous échappe depuis l’avènement et le développement écrasant du domaine social[2].
Dans les chapitres consacrés aux deux premières activités humaines, Arendt montre, ensuite, comment le travail en sortant de l’obscurité du domaine privé (la famille) pour la lumière du domaine public (le monde commun), a considérablement accru la richesse de ce que nous appelons aujourd’hui des sociétés, mais fragilisé la durabilité du monde et privé de plus en plus d’hommes de ce qui est indispensable à l’existence d’un domaine public, une place dans le monde.
Bien d’autres thèmes sont développés. Mais à partir de ces principaux éléments, il est possible, aujourd’hui, de passer à l’étude de la troisième activité humaine, l’action, et à l’histoire et l’analyse des rapports entre la vie active et l’âge moderne qui constituent la seconde partie de Condition de l’homme moderne.
[1] Dans sa version allemande, réalisée par Arendt, le livre porte d’ailleurs le titre de Vita Activa.
[2] Nous disons d’ailleurs que nous vivons en société et non dans un monde. Or pour Platon et Aristote la vie en société ne distingue en rien l’homme d’une espèce animale. C’est, pour eux, la vie dans le monde public de la cité qui rend une existence vraiment humaine.