Repères pour un monde numérique

Publié le par Thierry Ternisien d'Ouville

Cours donné à l'Université du Temps Libre d'Orléans à partir d'octobre 2015

Cours n°1 :  Texte préparatoire

Notre monde est numérique. Nos vies sont de plus en plus conditionnées par les nombres et les chiffres. De deux façons qui sont en train de se rejoindre et de se renforcer.

La plus ancienne c'est la domination du nombre, du calcul. Venue de l'échange marchand, de la monnaie, elle s'est étendue à la vision de nature, avec le projet moderne d'en devenir possesseur  et maître. C'est la mathématique universelle de Descartes et le développement des sciences de la nature, souvent appelées aujourd'hui sciences dures. Domination qui s’est élargie au domaine des affaires humaines, où, aujourd’hui,  la politique est mise au service de l'économie, l'économie au service de la finance et où le gouvernement des actions des hommes par la loi tend à être remplacé par la gouvernance des comportements humains par les nombres.

La seconde, plus récente, c'est la domination par les chiffres, la transcription et la reproduction numérique, le remplacement des technologies analogiques par les technologies digitales, le processus de convergence numérique, la domination d'une nouvelle langue, celle des machines, la numérotation binaire. Domination rendue possible par l'invention de l’informatique, du transistor, des circuits intégrés, du réseau Internet et de la toile numérique (le Web) permettant d’y naviguer, des techniques de numérisation des données, des textes, des images et des sons.

Nous ne vivons probablement ni une crise, ni une époque de changements mais plutôt un changement d’époque. Changement d’époque que pressentait Hannah Arendt, en 1958, dans Condition de l’homme moderne, lorsqu’elle distinguait époque moderne et monde moderne. Changement d’époque qu’un philosophe contemporain, Bernard Stiegler, assimile à celui provoqué par l’invention de l’écriture alphabétique et qui conduisit en Grèce à la création de la philosophie.

Face à un tel changement rien de plus normal que nous soyons désorientés, perdus. Avant d’entamer, la saison prochaine, un voyage dans ce nouveau monde numérique, je vous propose, cette saison, de nous doter ensemble d’un cadre, d’un guide, et de quelques repères, d’une boussole, pour ne pas nous laisser submerger par les deux maux du rejet et de la fascination.

Où trouver ces repères et comment construire ce cadre de réflexion et d’échange ? Chercher ensemble des éléments de réponse à cette double question est l’objet de ce premier cours.

Lectures préparatoires

Trois livres seront sollicités lors de ce premier cours, au travers de quelques extraits et commentaires personnels, pour lancer cette saison :

  • La société automatique (t1 : l’avenir du travail) de Bernard Stiegler chez Fayard
  • La gouvernance par les nombres d’ Alain Supiot  chez Fayard
  • Condition de l’homme moderne de Hannah Arendt chez Agora/Pocket

Vous pouvez profiter de l’été pour lire ou relire le troisième en vous aidant des cours des deux dernières saisons. Les deux premiers livres sont passionnants mais difficiles d’accès si vous ne connaissez pas le domaine.

Je vous conseille deux romans, très différents, en rapport, plus ou moins proche, avec le thème du cours.

  • Le principe de Jérôme Ferrari chez Actes Sud
  • Manuel de survie à l’usage des incapables de Thomas Gunzig chez Folio

 

Une multitude de livres sont parus sur le numérique. N’hésitez pas à lire ce qui vous tombe sous la main, cela ne pourra qu’enrichir nos échanges. Quelques livres dont j’ai prévu la lecture cet été :

  • Le devenir du nombre, Marc Terrence, Stock
  • Dans la nuée, réflexions sur le numérique, Byung-Chul Han, Actes Sud
  • La déconnexion des élites, Laure Belot, Les arênes
  • Quand l’austérité tue, David Stuckler et Sanjay Basu, Autrement
  • Sciences et pouvoirs, Isabelle Stengers, La Découverte
  • Sauver le monde, Michel Bauwens, Les Liens qui Libèrent
  • Hackers, au cœur de la résistance numérique, Amaelle Guiton, Au diable vauvert
  • La démocratie Internet, Dominique Cardon, La République des Idées, Seuil
  • Le sacre de l’amateur, Patrice Flichy, La République des Idées, Seuil
  • La société numérique en question(s), Isabelle Compiègne, Sciences Humaines
  • Les liaisons numériques, Antonio A. Caselli, Seuil
  • Le citoyen de verre, Wolfang Sofsky, L’Herne

 

Enfin je ferai sûrement appel, en plus de Bernard Stiegler et Hannah Arendt,  à quatre auteurs qui enrichissent ma réflexion depuis plusieurs années : François Jullien, Jean-Pierre Dupuy, Dany-Robert Dufour et, surtout, Edgar Morin. Je suis en train de lire de ce dernier :

  • L’aventure de la méthode, Edgar Morin, Seuil

 

Le cours en trois séances de deux heures prévu en mai 2016, Lire Hannah Arendt, sera une synthèse des deux saisons consacrées à cette auteure. Cours de conclusion pour celles et ceux qui les ont suivies. Cours d’initiation pour celles et ceux qui souhaitent découvrir cette œuvre.

Publié dans Cours, Numérique

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