Eléments pour pænser le monde numérique (EPMN)
Cours donné dans le cadre de l'association AHA le 12 septembre 2019
Depuis 2007 j'ai entrepris une recherche personnelle et collective (à travers blogs, livres et cours) sur notre monde contemporain, sur notre époque et sur notre condition humaine. De ces douze années sont issus :
- Deux livres d'initiation à la pensée de Hannah Arendt et de voyage à travers son œuvre.
- Quatre recueils de cours consacrés à notre monde numérique et à la condition humaine à notre époque numérique[1].
- Un blog Actualité de Hannah Arendt qui met à disposition de tous les éléments issus de cette recherche[2].
- Une association Autour de Hannah Arendt, entre passé et futur (AHA).
Aujourd'hui j'entame une nouvelle étape de cette recherche avec comme ambition de donner une suite à Condition de l'homme moderne publié en 1958 par Hannah Arendt.
Suite mettant en œuvre, principalement mais pas seulement, la recherche sur la technique et le temps menée depuis le début des années 1990 par Bernard Stiegler. Recherche passionnante mais difficile d’accès notamment du fait du langage utilisé et des nombreux concepts créés.
La finalité de ce livre, Condition de l'homme numérique, sera d’armer nos esprits pour penser et panser le monde (pænser le monde).
Avec trois questions pour nous guider :
- Où en sommes-nous ?
- Où atterrir ?
- Quel nouveau langage philosophique et politique utiliser qui ne puisse être retourné ni contre les individus ni contre les peuples ?[3]
Cette saison nous continuerons à rechercher et rassembler les éléments pour pænser (penser et panser) notre monde numérique.
Les ateliers permettront, grâce à leur support, d’approfondir la lecture et l’étude de Condition de l’homme moderne en lien avec les cours.
Dans la lignée de La crise de la culture (Between Past and Future) nous nous essaierons, en fin de saison, à un exercice de pensée politique sur un thème à choisir d’ici là et proposé, deux à trois mois avant les séances[4].
Etienne Tassin, professeur de philosophie politique à l’Université Paris VII, est un grand spécialiste de l’œuvre d’Arendt. Né en 1955, il est décédé accidentellement en janvier 2018. Je vous avais proposé, lors de la saison 2016-2017, un de ses textes consacré à l’action selon Arendt.
Dans ce dernier livre, posthume, Tassin tente de redéfinir l’exercice de la citoyenneté dans le moment présent qui est le nôtre. Il fait retour sur les mouvements sociaux contemporains depuis la possibilité cruciale, dans la politique, de la manifestation comme libre apparition du peuple. Ces réflexions le conduisent à des moments d’actualité qui sont autant d’interrogations sur la défaite des révolutions, sur le néolibéralisme comme domination globalitaire, sur l’islamisme radical comme domination intégrale, sur la construction contemporaine de l’Europe, sur la signification actuelle de la déclaration des droits de l’homme.
Je vous en donne ci-dessous l’introduction qui remplit parfaitement sa fonction.
Alain Supiot, né en 1949, est un juriste français spécialiste du droit du travail, de la sécurité sociale et de philosophie du droit. Il est depuis 2012 professeur au Collège de France.
Nous avons, lors de la saison 2015-2016, étudié son livre, issu des cours donnés au Collège de France : La gouvernance par les nombres.
Homo Juridicus est un livre très antérieur, puisque paru en 2005. Constituant, comme l’indique le sous-titre, un essai sur la fonction anthropologique du Droit, ce livre est au cœur de la pensée et de l’œuvre d’Alain Supiot.
Je vous en donne ci-dessous, comme « mise en bouche » copieuse, la lumineuse introduction.
Né en 1976, Grégoire Chamayou chargé de recherche au CNRS, il est rattaché à l'IHRIM, Institut d'Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (UMR 5317), de l'ENS Lyon2.
Auteur de deux ouvrages remarqués, Les chasses à l’homme (2010), et Théorie du drone (2013), il poursuit son travail d’investigation rigoureux et singulier, et prend à nouveau de la hauteur pour dresser une saga du néolibéralisme « par en haut », du point de vue ceux qui ont défendu les intérêts du monde des affaires, aux États-Unis, à partir des années 70.
Je vous propose l’introduction et la conclusion de ce livre indispensable.
Enfin, « last but not least », le dernier livre de Bernard Stiegler. Livre qui confirme les deux caractéristiques de l’œuvre de ce philosophe au parcours original et à la créativité sans pareil aujourd’hui et dont nous avons déjà abordé deux livres[5] : son caractère indispensable pour penser et comprendre l’interrelation entre l’homme et la technique ; sa difficulté de lecture. Ces deux caractéristiques sont à leur sommet dans ce livre. Je vous propose ci-dessous la quatrième de couverture du livre et 33 (dites « 33 ») extraits ou plutôt fragments que nous tenterons de décrypter.
L’œuvre de Cynthia Fleury ayant été mentionnée lors de notre dernière Assemblée générale, je vous propose un extrait de la préface de son livre La fin du courage, paru en 2010 chez Fayard.
Sa pertinence par rapport à notre recherche vous sautera certainement aux yeux comme cela a déjà été le cas pour plusieurs d’entre vous.
[1] 9 repères pour s’orienter dans notre monde et 8 questions pour interroger la condition humaine à l’époque numérique :
- Former l'attention, faire que l'automatisation dégage des temps d'intermittence, réinventer le travail, le territoire et non la carte, l'action et non la réaction, l'Anthropocène comme événement politique, sortir d'une explication historique par les nombres et les courbes, sortir d'une vision systémique et déterrestrée de la Terre, une vision différenciée de l'humanité.
- Avons-nous encore une vie privée ? Avons-nous encore un monde ? Que deviennent l'action politique et l'espace public ? Que devient le travail ? Savons-nous et pouvons-nous débattre des choix économiques ? Savons-nous et pouvons-nous débattre des choix scientifiques et techniques ? Que devient notre relation avec la Terre et la Nature ? L’Art assure-t-il encore la permanence du monde ?
[3] Jean-Claude Michéa, Le loup dans la bergerie, Droit, libéralisme et vie commune, Climats, 2018, p. 49-50.
[4] Deux exemples : Le numérique peut-il conduire à un nouveau totalitarisme détruisant l’espace public ? Disparition des services publics et disparition de la démocratie sont-elles liées ?
[5] La société automatique lors de la saison 2015-2016 et Dans la disruption lors de la saison 2018-2019.