Vérité (et métaphore)
Les métaphores et la vérité :
L'équivocité caractéristique de la langue — à travers laquelle seule nous accédons à la vérité et pouvons la dire, au moyen de laquelle seule nous pouvons créer une vérité active à partir du monde, et qui constitue toujours pour nous, par son inéluctable usure, un obstacle à notre découverte de la vérité — ne s'atteste nulle part plus clairement que dans la métaphore. Ainsi, par exemple, ai-je employé toute ma vie durant la métaphore « mon cœur s'ouvre » sans jamais avoir éprouvé la sensation physique correspondante. Depuis que je connais cette sensation physique, je sais combien souvent j'ai menti, à l'instar des jeunes gens qui mentent en toute innocence lorsqu'ils déclarent à une jeune fille : je t'aime. Mais comment aurais-je jamais pu éprouver la vérité de la sensation physique si la langue, par sa métaphore, ne m'avait pas d'ores et déjà fait pressentir la signification du phénomène ? [1]
Métaphore et vérité :
De même que la fleur de rhétorique se métamorphose à nouveau en mot, de même la vérité émerge-t-elle à nouveau de la métaphore du fait que la réalité s'est présentée. De même, sans ce devenir-mot on n'aurait pas pu endurer le choc de la réalité. Au moment même où la réalité se présente et où elle trouve le mot pour la capter et pour la rendre supportable à l'homme, on acquiert la vérité. C'est peut-être bien cela qui est au fondement de l'« adaequatio rei et intellectus ». [2]