La crevasse (1)
Rassemblant les éléments pour écrire la première partie de Condition de l’homme numérique, je suis frappé par le poids qu’a pris le présent. J’ai le sentiment qu’il s’est, depuis deux ans, dilaté, qu’il tend à occuper, si je n’y fais pas attention, tout on espace mental, me coupant, à la fois, de la mémoire du passé et de la vision d’un avenir.
Seule une hygiène spirituelle, corps et esprit, m’empêche de tomber dans une crevasse ressemblant à la caverne de Platon, où les informations circulent en boucle, se faisant écho les unes aux autres, semant la peur et provoquant la question angoissée – Comment en sortir ? – et la demande de plus en plus pressante : je veux en sortir, à tout prix !
Et là, la réponse magique : faites-vous vacciner, faites-vous tous vacciner ! Les premiers de cordées, comme ils s’appellent, ont coupé la corde et, d’en haut, regardent ceux qu’ils ont précipités dans le vide.
Mais rien de cela n’est vrai. Cette chute au fond du trou, seul notre esprit peut l’entraîner, ivre de paroles et images en tous sens, ou répondant aux pleurs d’un bébé.
Chaque matin, je vérifie que nous sommes encore là, nous quatre, humains et chiens. Sans avoir rien lâché sur l’essentiel. Observant ceux qui ont fait un pas vers le précipice, sans y tomber, et ceux qui, du fond du trou nous interpellent. « Rejoignez-nous ! Faites-nous confiance ! Faites leur confiance !
Rejoignons maintenant, par l’esprit, le passé, proche ou lointain, pour construire les passerelles qui nous permettront d’enjamber cette brèche, voire cette crevasse, entre passé et futur !