Humains et réplicants

Publié le par Thierry Ternisien d'Ouville

Humains et réplicants

Étudier la société et ses dérives a quelque chose de harassant. Surtout lorsqu'elle est en phase terminale.

On se dessèche sans s'en apercevoir. Le jour du premier anniversaire de l'Antipresse, le 6 décembre 2016, je notais cette pensée morose :

Ne jamais disséquer les cadavres ! L'odeur vous colle à la peau.

Il m'a fallu quatre ans pour comprendre que ce que je faisais était dangereux — sans sa contrepartie artistique, ludique, aérienne. A quoi bon écrire des diagnostics chaque semaine sans proposer une cure ? C'est peut-être une orientation pour le plan quinquennal 2020-2025 ?

En fin de compte, le cataclysme de 2020 n'est que l'aboutissement d'une série de chutes inévitables, un immense effet de domino, la purge d'un système que l'hypernormalisation ne pouvait plus tenir à flot. Nous n'y pouvons rien, à titre individuel. Mais nous pouvons en tirer un miel inespéré. Nous pouvons, en premier lieu, faire un grand tri. Appliquer à tout notre entourage le fameux « test de Voight-Kampff » de Blade Runner, qui d'ailleurs était projeté par le romancier en 2019. Mais avec un but inverse : non d'isoler les réplicants de la masse humaine, mais d'isoler les humains de la masse réplicante. Nous débarrasser, dans toutes les sphères de notre vie, de ceux qui, avant même qu'on les ait connectés, se comportent en robots.

 

Slobodan Despot, Antipresse 262 du 6 décembre 2020.

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