Où en sommes-nous (7) : Deux voyages dans notre monde numérisé
En deux saisons (2010-2012) et seize cours, nous avons effectué deux voyages dans notre monde numérisé.
1. Vers une première vision en relief de notre monde numérisé
Dans le premier voyage nous avons tenté d’acquérir une première vision en relief de notre monde numérisé, envahi par les outils, techniques et approches numériques, qui conditionnent de plus en plus notre travail, nos relations et notre vie.
En croisant une image du monde obtenue à partir de trois penseurs :
- Quatre textes sur la condition humaine, la science et le langage, la vérité et le mensonge, l’identité et l’universalité, de la théoricienne politique américaine, d’origine allemande, Hannah Arendt.
- Deux textes sur la science et la paix, la liberté et la justice, la violence et la non-violence de l’écrivain français Albert Camus.
- Deux textes sur la science, la technologie et l’idéologie, les sciences naturelles (« dures ») et l’incertitude, de l’historien britannique Eric Hobsbawm, spécialiste du long XIXe siècle et du court XXe siècle.[1]
Avec une image de la numérisation acquise en explorant ses principes, concepts et techniques lors de six cours :
- De la télévision analogique à la télévision numérique, quel regard sur le monde ?
- Du transistor au micro-ordinateur portable, quelle action sur le monde ?
- La convergence numérique (textes, images, sons), tout peut-il se réduire à une suite de 0 et de 1 ?
- Internet, mobile, quelle relation aux autres et au monde ?
- Naître dans un monde numérisé : la prolifération des outils numériques
- Un monde piloté par les chiffres et vu à travers les outils du tout numérique
Nous avons, en particulier, traité des avantages (insensibilité au « bruit » (parasites), information conservée intacte lors des copies successives, miniaturisation, compressibilité, modes de transport, communication avec les ordinateurs, convergence : langage et support, etc.) et des inconvénients de la numérisation (moindre fidélité de restitution, perte totale de l’image et du son en cas de perturbation, artefacts, complexité du numérique, pérennité inconnue des supports, inaccessibilité directe aux cinq sens, etc.).
Nous avons abordé la notion de pharmakon, avec Bernard Stiegler, philosophe français, pour traiter des effets de la technologie numérique, à la fois poison et remède et effleuré une question : comment transformer ce poison en remède ?
Pour terminer par trois questions autour du travail et du monde :
- Un monde numérisé est-il plus « robuste » face aux dégâts provoqués par l’extension du champ de la consommation marchande ?
- Le travail retrouve-t-il des dimensions de l’œuvre et de l’action avec le développement des outils et technologies numériques ?
- Le champ de la nécessité s’étend-il encore par rapport à ceux de l’utilité et de la pluralité ?
[1] Ces 8 textes sont repris en annexe.
2. Sociétés numériques : démocratie réelle ou virtuelle ?
Ce second voyage s’est fait en huit cours après une année 2010 marquée par l’irruption à grande échelle des moyens numériques de communication (mobiles, Internet, réseaux sociaux,...) dans les vies politiques nationales et mondiale : affaire Wikileaks, révolutions tunisienne et égyptienne, mouvements sociaux liés à la crise financière et économique,...
À partir de six thèmes (révoltes et révolutions, la domination de l’économie, l’ouverture d’alternatives, la domination des experts, l’ouverture de l’espace public, la domination de « l’opinion publique ») nous avons échangé autour de trois questions :
- Le processus de numérisation du monde accélère-t-il la démocratisation dans les pays soumis à des gouvernements autoritaires et provoque-il chez les citoyens un nouvel intérêt pour le politique dans les anciennes démocraties ?
- Quelles sont les promesses et les limites de ce que certains appellent « La démocratie Internet » ?
- La numérisation économique menace-t-elle la démocratie ?
Pour aboutir à un schéma permettant, autour du thème central du souci du monde, de dégager six angles de vue.
L’ampleur des champs couverts me faisait alors peur. Je ne devais pas être le seul dans ce cas puisque le cours proposé pour la saison suivante n’eut pas assez d’inscrits pour se tenir.
D’où mon choix de mettre à profit cette opportunité pour étudier en profondeur l’œuvre politique de Hannah Arendt, un des deux auteurs choisis pour m’accompagner dans la vie et dans le monde[1], avant de revenir au thème de la numérisation à travers la recherche de repères pour un monde numérique.
[1] L’autre est Proust.