De la révolution (1/2)

Publié le par Thierry Ternisien d'Ouville

Cours donné à l'Université du Temps Libre d'Orléans le 8 janvier 2015

Voyage vers le XXIe siècle (4/7)

Le livre d’Arendt le moins connu
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Quatrième pilier de son œuvre, ce livre reste le moins connu d’Arendt.

Publié au printemps 1963, peu après le reportage sur le procès d’Eichmann à Jérusalem, De la révolution passa quasiment inaperçu.

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Il produisit un effet, mais à retardement. Les étudiants intéressés par la théorie politique le lurent très largement au milieu des années soixante. Aux premières heures du mouvement de la prise de parole, le livre d’Arendt et L’homme révolté de Camus étaient tacitement lecture obligée à Berkeley.

Les étudiants étaient sensibles au plaidoyer d’Arendt en faveur de ce que les Étudiants américains pour une société démocratique appelaient une « démocratie de participation » ou une « démocratie à la base » dans les termes de Rudi Dutschke de la ligue des étudiants socialistes allemands, avec des conseils populaires partout, qui discutent et décident.

En France ce livre est presque totalement ignoré. Du fait, d’abord, de l’importance accordée à Eichmann à Jérusalem et à la polémique qui suivit. Mais aussi, et surtout, du fait de la désastreuse traduction de 1967 chez Gallimard qui, par ses erreurs et contresens, rendit totalement illisible le livre en français.

Une deuxième traduction, correcte, n’est disponible que depuis 2012, soit près de 50 ans après la première édition américaine.

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Nous retrouvons dès les titres des chapitres des notions issues du travail de refondation radicale de la théorie politique effectué par Arendt dans les deux livres qui ont suivi Les origines du totalitarisme : Condition de l’homme moderne et Entre passé et futur.

  • La distinction entre domaines privé, public et social.
  • La notion de bonheur (public).
  • Le concept de fondation d’un nouvel ordre et d’une constitution permettant l’exercice de la liberté politique d’agir ensemble (qui constitue le bonheur public).
  • Le trésor perdu des révolutions : la liberté publique ou le bonheur public.

Aujourd’hui nous nous intéresserons à l’introduction, dans laquelle Arendt distingue et rapproche guerres et révolutions, et aux deux premiers chapitres. Nous verrons les trois derniers chapitres le 12 février 2015. 

Introduction : guerre et révolution
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Guerres et révolutions ont, comme l’avait prédit Lénine, façonné le XXe siècle et constituent toujours nos deux problèmes politiques majeurs.

Il est stupéfiant, pour Arendt, d’observer la manière dont l’idée de liberté s’est imposée au cœur du plus grave de tous les débats politiques : la guerre et le recours légitime à la violence. Contrairement à la révolution, l’objectif de la guerre n’avait, jusque-là, que rarement eu partie liée avec la notion de liberté.

La première justification de la guerre vient de la Rome antique. Pour les Grecs la vie politique ne s’étendait pas au-delà de la cité et le recours à la violence dans ce qu’aujourd’hui nous appelons les affaires étrangères ne paraissait donc nécessiter aucune justification. Les Romains ne se souciaient pas de la liberté pour distinguer guerres justes et injustes et ne fixaient aucune limite entre guerre d’agression et guerre défensive.

« La guerre est juste quand elle est nécessaire, et les armes sont innocentes là où ne subsiste d’autre espoir ». Depuis Tite-Live, au fil des siècles, la nécessité a revêtu maintes significations : conquête, expansion, défense d’intérêts particuliers, préservation du pouvoir face à de nouvelles puissances menaçantes, ou soutien à un équilibre de pouvoirs donné.

L’idée que l’agression est un crime et que les guerres ne se justifient que pour repousser ou prévenir une attaque n’acquit de signification pratique et théorique qu’au sortir du premier conflit mondial devant la démonstration du potentiel effroyablement destructeur de la technologie moderne. 

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L’idée de liberté n’a été introduite dans le débat sur la guerre qu’après qu’on ait atteint un point où les moyens de destruction sont devenus tels que toute utilisation rationnelle est proscrite. La liberté est devenue un deus ex machina censé justifier ce qui est devenu rationnellement injustifiable.

La corrélation entre guerre et révolution, leur interdépendance réciproque n’a cessé de croître, et l’accent de la relation s’est déplacé de plus en plus de la première vers la seconde. Le lien entre guerre et révolution n’est pas nouveau. La Révolution américaine a été précédée et accompagnée d’une guerre de libération, la Révolution française de guerres défensives ou d’agression. Mais le XXe siècle a vu naître un type d’évènement totalement différent où tout se passe comme si la furie de la guerre était simplement un stade préparatoire de la violence déchainée par la révolution (comme la Révolution russe décrite par Pasternak)  ou, au contraire, dans lequel une guerre mondiale apparait comme la conséquence d’une révolution, une forme de guerre civile embrassant la terre entière, comme la Seconde guerre mondiale a été perçue par une bonne partie de l’opinion publique, à juste titre.

Vingt ans plus tard (1963-1965), il va presque de soi que la guerre a pour fin la révolution et que la cause révolutionnaire de la liberté, seule,  est éventuellement susceptible de la justifier.

Dans la lutte qui divise le monde actuel il est probable que l’emporteront ceux qui comprennent ce qu’est la révolution alors que ceux qui continuent à tabler sur une politique de puissance au sens traditionnel du terme, et donc sur la guerre, finiront par découvrir qu’ils sont passés maîtres dans un exercice assez vain et obsolète. 

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Dans la mesure où la violence joue un rôle prépondérant dans les guerres et les révolutions, les unes et les autres adviennent en dehors du champ politique stricto sensu. Ce qui amena le XVIIIe siècle, qui eut son lot de guerres et de révolutions, à l’hypothèse d’un État prépolitique, « l’état de nature », lequel ne fut jamais conçu comme un fait historique. Sa pertinence tient à la reconnaissance du fait qu’un champ politique ne nait pas automatiquement partout où les hommes vivent ensemble et qu’il existe des évènements qui, même s’ils se produisent dans un contexte historique, ne sont pas réellement politiques et même sans liens avec la politique. L’hypothèse d’un état de nature implique l’existence d’un commencement, séparé de tout ce qui suit par un abime infranchissable.

Le rapport entre le problème du commencement et le phénomène de la révolution est, pour Arendt, évident. Qu’un tel commencement doive être étroitement lié à la violence lui semble attesté par les débuts mythiques de notre histoire, que ce soit dans la Bible (Caïn tuant Abel) ou dans l’Antiquité classique (Romulus tuant Remus). La violence fut le commencement et nul commencement ne pourrait advenir sans recours à la violence, sans violation.

Les paroles de ces récits sont sans équivoque. Toute la fraternité dont les hommes sont capables est issue d’un fratricide, toute organisation politique trouve son origine dans un crime.

Au commencement était un crime, cette conviction a conservé à travers les siècles une vraisemblance en matière d’affaires humaines non moins évidente que celle du premier verset de Saint Jean, « Au commencement était le verbe », en matière de salut. 

Le sens de la révolution
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Arendt commence ce chapitre consacré à la signification du mot et du concept de révolution par la recherche de précédents antérieurs à l’époque moderne. Elle n’en trouve pas pour ce qui concerne le premier aspect des révolutions modernes, seuls évènements qui nous confrontent directement au problème du commencement. Le changement politique, et la violence qui l’accompagnait, étaient bien connus de l’Antiquité. Mais ce changement était considéré comme le retour naturel à un stade différent du cycle des affaires humaines, du cycle des formes de gouvernements de Polybe.[1]

Mais cette recherche semble, apparemment, plus fructueuse pour un deuxième aspect des révolutions modernes, l’importance de la question sociale. Aristote découvrit l’importance de ce que nous appelons la question économique quand il entreprit d’expliquer les mutations quasi-naturelles d’une forme de gouvernement à une autre. Renversement du gouvernement par les riches et établissement d’une oligarchie, renversement par les pauvres et établissement d’une démocratie. Mais la distinction entre pauvres  et riches était jugée aussi naturelle et inévitable dans le corps politique que la vie dans le corps humain.

C’est l’expérience coloniale américaine qui introduisit le doute sur le caractère inhérent de la pauvreté humaine. L’Amérique devint, bien avant l’époque moderne et son développement technologique, le symbole d’une société ayant aboli l’atroce misère tenue, jusqu’alors, pour éternelle. La « surprenante prospérité » (Raynal) des colonies anglaises d’Amérique eut ainsi une influence très importante sur la Révolution française.

 

[1] Nous retrouvons ici la séparation majeure introduite par la conception moderne de la nature et de l’histoire comme processus, thème du deuxième essai d’Entre passé et futur. Voir le cours n°2 du 13 novembre 2014.

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Le concept moderne de révolution, lié à l’idée qu’une histoire entièrement nouvelle va commencer, date de la fin du XVIIIe siècle. Avant de se trouver engagés dans ce qui allait se révéler une révolution aucun des acteurs n’imaginait la pièce qui allait se jouer. Mais dès que les révolutions, américaine et française, eurent entamé leur cours, l’intrigue en devint manifeste : l’émergence de la liberté (Robespierre, Condorcet).

Liberté qui se distingue de la simple libération de gouvernements outrepassant leurs pouvoirs et des droits anciens bien établis. Si la libération, dont les signes manifestes sont l’absence de contrainte et la pleine faculté de pouvoir aller et venir, est une condition de la liberté, il est souvent difficile de tracer la frontière entre le désir de se libérer de l’oppression et l’aspiration à la liberté comme mode de vie politique.

C’est cette expérience où c’est l’action et non le repos qui fait notre plaisir (John Adams) que mirent en évidence les révolutions américaine et française. Expérience nouvelle pour ceux qui la menaient, assez répandue dans l’Antiquité grecque et romaine mais oubliée au regard des siècles séparant la chute de l’Empire romain de l’aube des temps modernes

Et si l’histoire a toujours connu ceux qui voulaient le pouvoir pour eux-mêmes ou ceux qui étaient avides de choses nouvelles, l’esprit révolutionnaire des derniers siècles avec sa soif de libération et de création d’un cadre nouveau où la liberté puisse s’établir est sans précédent. Ces deux éléments, une expérience nouvelle qui révélait l’aptitude à la nouveauté, sont à la racine de l’extraordinaire pathos qu’on retrouve dans les Révolutions américaine et française, insistant et répétant à l’envi que, de toute l’histoire humaine connue, il ne s’était jamais rien produit d’une portée et d’une grandeur comparables. 

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L’un des moyens de dater un phénomène historique consiste à découvrir à quel moment apparait le nouveau mot qui le décrit. Et l’on note, avec surprise, l’absence du mot révolution là où on s’attendait à le plus le trouver, dans l’histoire et la théorie politique des débuts de la Renaissance italienne.

Machiavel use, ainsi, toujours de la mutatio rerum cicéronienne dans sa description des coups de force et du remplacement d’une forme de gouvernement par une autre. Ce qui l’intéresse d’abord ce n’est pas le changement mais d’abord l’immuable, l’invariable. Il est le premier à réfléchir, depuis les romains, à la possibilité de fonder un corps politique permanent, durable. Il conçoit sa création, une Italie unifiée sur le modèle de l’État-nation français, comme une rénovation ce qui le distingue de ses successeurs, les hommes des révolutions, mais pas totalement puisque les révolutions débutèrent comme des restaurations ou des rénovations. Le pathos révolutionnaire naquit au cœur de l’évènement.

Le terme que Machiavel introduisit dans la théorie politique fut celui d’État, non celui de révolution. Les termes qui revenaient étaient ceux de rébellion et de révolte. Mots qui n’évoquent pas la sortie de l’asservissement et encore moins l’établissement d’une liberté nouvelle. Mots qui évoquent le remplacement de l’individu au pouvoir, le choix non de celui qui dirige mais de celui qui ne dirige pas. Très loin du droit du peuple à se gouverner lui-même ou à désigner des individus issus de ses rangs pour gouverner.

Pour diriger il fallait être un dirigeant-né et s’il existait des termes pour désigner le soulèvement des sujets contre le souverain, aucun ne désignait un changement aussi radical que celui où les sujets deviennent les maîtres.

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Le mot révolution est un terme d’astronomie désignant le mouvement régulier et immuable des astres, hors de toute influence humaine. Il ne caractérise ni la nouveauté ni la violence. 

Il fut employé pour la première fois en politique au XVIIe siècle. Non pour la prise de pouvoir par Cromwell mais, au contraire en 1660, pour la restauration de la monarchie. Le mot trouva sa place dans le vocabulaire politique en 1688 quand la « Glorieuse révolution » rétablit le pouvoir royal dans sa vertu et sa gloire premières. Les Révolutions française et américaine furent l’œuvre, à leur début, d’hommes et de femmes convaincus de restaurer un ordre ancien mis à mal par le despotisme de la monarchie absolue ou les abus du pouvoir colonial.

D’où une grande confusion, surtout pour la Révolution américaine qui n’a pas dévoré ses enfants. Ceux qui avaient entamé la restauration, commencèrent et achevèrent la révolution. Ils vécurent assez pour accéder au pouvoir et aux fonctions officielles créées par le nouvel ordre des choses (Benjamin Franklin, Thomas Paine).

Pour comprendre l’esprit révolutionnaire moderne, il importe de se rappeler que la notion de nouveauté existait avant les révolutions. Chez les hommes de science, comme Galilée, et les philosophes comme Hobbes, Descartes. Le pathos moderne de la nouveauté mit deux siècles pour gagner le domaine politique. « Tout a changé dans l’ordre physique ; et tout doit changer dans l’ordre moral et politique ». (Robespierre).

Dès que la nouveauté atteignit la place publique, elle devint le commencement d’une nouvelle histoire, inaugurée, à leur insu, par des hommes agissant, histoire qui devait être poursuivie, étoffée, prolongée par leur postérité. 

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Le mot révolution, s’il s’est éloigné en politique de sa signification originelle en astronomie, en garde toute la force de la notion d’inexorabilité, loin de toute influence humaine.

La date à laquelle il a été employé dans ce sens est bien connue. La nuit du 14 juillet 1789 lorsque le duc de La Rochefoucauld-Liancourt informe Louis XVI de la chute de la Bastille. « C’est une révolte » - « Non, Sire, c’est une révolution ».

Derrière ces mots, nous voyons l’apparition au grand jour, pour la première fois et dans la capitale du monde civilisé,  de la multitude des pauvres et des opprimés, reléguée par les siècles passés dans l’obscurité et la honte. La chose publique, réservée à ceux qui étaient libres de tout souci lié aux nécessités de la vie, allait de façon irrévocable offrir son espace et sa lumière à l’immense majorité de ceux qui ne sont pas libres, parce qu’ils vivent soumis aux besoins quotidiens.

L’idée d’un mouvement irrésistible que le XIXe siècle allait bientôt transposer dans le concept de nécessité historique, résonne du début à la fin de toutes les pages de la Révolution française. Un vocabulaire entièrement nouveau fut introduit en politique. Avec le torrent révolutionnaire de Camille Desmoulins, le puissant courant de la révolution de Robespierre, accéléré par les crimes de la tyrannie, d’une part, et les progrès de la liberté, d’autre part.

« On eut dit qu’une force surhumaine était intervenue lorsque les hommes commencèrent à affirmer leur grandeur et défendre leur honneur. » (Alexander Hamilton). 

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Depuis la Révolution française il est devenu courant d’interpréter tout soulèvement violent comme la poursuite du mouvement déclenché en 1789 et les périodes de calme et de restauration comme de simples pauses où le courant redevient souterrain pour reprendre de la vigueur avant de resurgir à la surface (1830, 1848, 1871...). C’est au XIXe siècle que fut forgée l’expression révolution en permanence (Proudhon) avec l’idée qu’il n’existe pas plusieurs révolutions mais une seule, éternelle.

Sur le plan théorique la conséquence la plus importante de la Révolution française fut la naissance du concept moderne d’histoire dans la philosophie politique hégélienne[1].

 Sur le plan politique tous ceux qui marchèrent sur les traces de la Révolution française se considérèrent moins comme des successeurs des révolutionnaires que comme les agents de la nécessité historique avec ce résultat paradoxal : au lieu de la liberté c’est la nécessité qui est devenue la catégorie principale de la pensée politique et révolutionnaire. Conclusion qui a gagné en puissance avec la Révolution d’octobre qui a joué pour le  XXe siècle  le rôle de la Révolution française pour le XIXe.

L’inattendu de l’expérience, de l’action, a été remplacé par la double contrainte de l’idéologie et de la terreur s’imposant aux hommes de l’intérieur et de l’extérieur. Expliquant la docilité avec laquelle les révolutionnaires de tous les pays ont marché à leur perte, sous l’influence de la révolution bolchevique. Aboutissant au ridicule grandiose du spectacle d’hommes qui avaient osé braver tous les pouvoirs  se soumettant sans un cri à la nécessité historique. L’histoire les a dupés et ils sont devenus les dupes de l’histoire.

 

[1] Voir cours n°2, le deuxième essai de Entre passé et futur

La question sociale
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Dupes, peut-être, mais pas sots. C’est que derrière la nécessité historique, conceptualisée à partir de la Révolution française, s’en cachait une autre, plus biologique, apparue au grand jour avec l’irruption sur la scène publique des pauvres poussés par le besoin.  Ce que depuis le XVIIIe siècle nous appelons la question sociale et que nous devrions, plus simplement, appeler l’existence de la pauvreté. La pauvreté est un état de besoin constant et de misère aigue dont toute l’ignominie tient à ce qu’elle impose aux hommes, qu’elle avilit,  le diktat absolu du corps. C’est sous cette emprise que la masse des pauvres se rua pour prêter main forte à la Révolution française, l’inspira, la poussa et finit par la conduire à sa perte. Ce furent les besoins pressants du peuple qui déchainèrent la Terreur, ce qui amena Robespierre, à dire dans son dernier discours « Nous périrons parce que nous n’avons pas su trouver le moment de fonder la liberté ». Ce ne fut pas la coalition des tyrans, mais celle autrement plus puissante de la nécessité et de la misère qui détourna suffisamment longtemps l’attention pour faire manquer ce moment historique. La révolution avait changé de cours. Elle ne visait plus la liberté mais le bonheur du peuple.

Pour Arendt, Lénine, malgré son marxisme dogmatique, aurait peut-être pu éviter la capitulation de la liberté devant la nécessité,  quand il résuma en une seule phrase les traits de la révolution d’Octobre en une formule longtemps oubliée : l’électrification plus les soviets. Avec la libération du fléau de la misère par l’intermédiaire de la technique (l’électrification) et l’essor de la liberté par une nouvelle forme de gouvernement, les soviets. Mais lorsqu’il sacrifia les soviets au parti, dont il pensait qu’il libèrerait les pauvres, son raisonnement s’accordait toujours avec les échecs tragiques de la Révolution française

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L’idée que la misère puisse aider les hommes à briser les chaines de l’oppression, devenue si familière avec la doctrine de Marx, n’existait pas avant la Révolution française. Le préjugé du XIXe siècle selon lequel toutes les révolutions sont à l’origine des révolutions sociales était absent de la théorie ou de la pratique du XVIIIe siècle.

Quand les hommes de la Révolution américaine se trouvèrent confrontés aux conditions sociales du Continent Européen, celle des pauvres comme celle des riches, il ne leur vint pas à l’esprit que le peuple si accablé de misère et de corruption pourrait accomplir ce qui avait été accompli en Amérique. Ils mirent en garde, ce n’était pas du tout le peuple à l’esprit libre imaginé en Amérique. Lorsque vingt-cinq ans plus tard, les évènements leur eurent donné en partie raison, ils repensaient à la canaille, riches et pauvres, des villes Européennes entre les mains de laquelle, avaient-ils averti, toute dose de liberté sera pervertie pour mener à la destruction de toutes choses tant publiques que privées.

Ce qui était absent de la société américaine au milieu du XVIIIe siècle, à la surprise de bien des voyageurs, c’était la misère et le dénuement. Pour les blancs. L’institution de l’esclavage était, en effet, porteuse de ténèbres plus noires encore que celle de la misère et de la pauvreté. C’était l’esclave et non le pauvre qui était invisible. Esclaves que les voyageurs européens ignoraient tout autant que les Américains. Si bien que la question sociale n’eut aucune portée pratique dans la Révolution américaine au point de faire disparaître l’existence-même de cette révolution au XIXe siècle, en Europe et même en Amérique.

C’est au rôle joué par le fléau de la misère, et la compassion qu’il suscite, dans toutes les révolutions, hormis la Révolution américaine, qu’Arendt s’intéresse dans la suite de ce chapitre. 

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Historiquement la compassion devint le moteur des révolutionnaires lorsque les Jacobins s’emparèrent du pouvoir après l’échec des Girondins à élaborer une constitution et établir un gouvernement républicain. Les jacobins se fiaient plus à la bonté naturelle d’une classe qu’aux institutions. Sous la nouvelle constitution insistait Robespierre, les lois devront être promulguées « au nom du peuple français » au lieu de la « République française ». Le peuple, mot clé pour comprendre la Révolution française. Sa définition même procédait de la compassion et devint le synonyme de malheur et d’infortune (de Sieyès à Robespierre).  Détourner les yeux de la misère n’était plus possible dans le Paris du XVIIIe siècle.

Si ce changement d’orientation fut déterminé par le cours de la Révolution il trouva sa théorie dans la Volonté générale de Rousseau qui concevait la nation comme un corps mû par une volonté unique. Précisément ce que Robespierre exigeait : « Il faut une volonté UNE ». Rejoignant une conception de l’intérêt national, de la Raison d’État, plus ancienne que la Révolution française, puisque le concept de volonté unique était l’interprétation courante du rôle national que devaient jouer les monarques éclairés. Le problème était : « Comment amener vingt-cinq millions de Français, qui n’avaient jamais imaginé d’autre loi que la volonté du roi, à se rallier à une constitution libre quelle qu’elle fut ? » (John Adams).

L’insistance de Rousseau sur la souffrance a exercé une influence prédominante sur ceux qui allaient faire la Révolution et se trouver confrontés aux souffrances écrasantes de ceux à qui ils avaient ouvert, pour la première fois dans l’Histoire, les portes et les lumières de l’espace public. Ce qui comptait c’était la capacité de se perdre dans la souffrance d’autrui avec pour ennemi le plus dangereux l’égoïsme. Expériences sous-jacentes à l’oubli de soi de Rousseau et la terreur de la vertu de Robespierre

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La compassion fut découverte et comprise en tant qu’émotion ou sentiment et l’amour passionné de la compassion, sa perversion, c’est la pitié. Pitié dont l’alternative est la solidarité. C’est par pitié que les hommes sont attirés par les faibles, mais c’est par solidarité qu’ils forment, sans passion, une communauté d’intérêt avec les opprimés et les exploités. Cette solidarité, même si elle est suscitée par la souffrance, n’est pas guidée par elle. Elle englobe aussi bien les forts et les riches que les pauvres. La solidarité est un principe qui peut guider l’action, la pitié un sentiment. La glorification des pauvres par Robespierre et son éloge de la souffrance comme ressort de la vertu étaient sentimentaux, au sens stricts du terme, et, en tant que tels, passablement dangereux même s’ils ne furent pas un simple prétexte à sa soif de pouvoir. La pitié comme ressort de la vertu démontra un potentiel de cruauté supérieur à celui de la cruauté même. « Par pitié, par amour pour l’humanité, soyez inhumains ! ».

Depuis la Révolution française c’est ce sentiment sans limites qui a rendu les révolutionnaires si curieusement insensibles à la réalité, en général, et à celle des personnes, en particulier, qu’ils les sacrifièrent, sans scrupules, à leurs principes, à la marche de l’histoire ou à la cause de la révolution.

D’un point de vue politique, le mal intrinsèque à la vertu de Robespierre résidait dans cette absence de limites. Loin de la clairvoyance de Montesquieu. En exigeant que tout le monde affiche en public, ce qui est caché à autrui mais aussi à son propre examen, sa motivation intime, Robespierre demanda l’impossible et transforma tous les acteurs en hypocrites. Il est malheureusement dans l’essence des choses que tout effort pour rendre la bonté publiquement manifeste débouche sur l’apparition de la criminalité sur la scène politique. 

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Ce fut la guerre à l’hypocrisie qui transforma la dictature de Robespierre en règne de la Terreur et la caractéristique marquante de cette période réside dans l’autoépuration de ses dirigeants. La « terreur de la vertu » instaurée par l’Incorruptible fut plutôt terrible, mais resta dirigée contre un ennemi et un vice cachés. Il s’agissait d’arracher le masque du traître déguisé, et non, comme lors de la révolution russe, d’affubler du masque du traître des individus choisis arbitrairement afin de créer les personnages requis pour la sanglante mascarade d’un mouvement dialectique.

La guerre à l’hypocrisie était la guerre déclarée à la société telle que le XVIIIe siècle la connaissait, synonyme avant tout de guerre contre la Cour, à Versailles épicentre de la vie française. La Révolution française offrait l’occasion aux révolutionnaires, en déchirant le masque d’hypocrisie de la société française, d’exposer ce qui, selon eux, existait derrière : le visage honnête, intègre du peuple des malheureux.

Quand le fléau de la misère de masse eut pris le chemin de la Révolution qui avait commencé par la rébellion strictement politique du tiers état, les hommes de la révolution ne furent plus préoccupés par l’émancipation des citoyens ni par l’égalité au sens où chacun a droit à sa personnalité juridique, à être protégé par elle et, en même temps à agir littéralement « à travers » elle. Ils croyaient avoir libéré l’homme naturel chez tous les hommes et lui avoir donné les Droits de l’homme auxquels chacun avait droit, non pas en vertu du corps politique auquel il appartenait, mais du simple fait d’être né.

Le règne de la Terreur signifia finalement le contraire d’une vraie libération et d’une vraie égalité. La Terreur égalisait parce qu’elle laissait tous les habitants de manière égale sans le masque d’une personnalité juridique

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Quand elles eurent découvert qu’une constitution n’est pas la panacée à la pauvreté, les masses se retournèrent contre l’Assemblée constituante. Parmi les hommes de la révolution, seuls survécurent et accédèrent au pouvoir ceux qui renoncèrent à l’« artificiel », les lois faites par l’homme pour créer un corps politique, au profit des « lois naturelles » de la nécessité brute auxquelles obéissaient les masses. Lorsqu’on libéra cette force, lorsque chacun fut convaincu que seul le besoin brut était dépourvu d’hypocrisie, les malheureux se transformèrent en enragés.  Car la rage est la seule forme sous laquelle le malheur peut devenir actif. Ainsi, une fois l’hypocrisie démasquée, ce fut la rage et non la vertu qui fit son apparition, rage contre la corruption dévoilée, rage contre le malheur. « La vengeance est la seule source de la liberté, la seule déesse à qui nous devons offrir des sacrifices » soutenait l’hébertiste Alexandre Rousselin.

Aucune révolution n’a jamais résolu la « question sociale » ni libéré les hommes du fléau du besoin mais toutes, à l’exception de la révolution hongroise de 1956 ont, suivant l’exemple de la Révolution française, usé et abusé des formidables forces de la misère et du dénuement dans leur lutte contre la tyrannie et l’oppression. Erreur fatale, difficile à éviter dans les conditions d’une pauvreté de masse, qui en voulant régler la question sociale par la politique mène à la terreur qui conduit les révolutions à leur perte.

Les masses de pauvres que la Révolution française appela les malheureux et qu’elle transforma en enragés pour les abandonner et les laisser retomber dans l’état de misérables, portaient en elles la nécessité à laquelle elles avaient été  assujetties, si loin que remonte la mémoire, ainsi que la violence à laquelle  on avait toujours eu recours pour surmonter la nécessité. Nécessité et violence les firent passer pour la puissance de la terre

La quête du bonheur
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Les hommes qui, de part et d’autres de l’Atlantique, feront la révolution avaient en commun un intérêt passionné pour la liberté publique telle qu’en parlaient Montesquieu ou Burke. Ils n’avaient aucune prédilection pour la révolution, mais ils furent « appelés sans y être attendus et forcés d’agir sans inclination préalable » (John Adams). Ce dont Tocqueville témoignera dans le cas de la France : «  la notion même d’une révolution violente était absente de l’esprit de nos pères ; on ne la discutait pas, on ne l’avait pas conçue ».  S’oppose à la formule d’Adams son propre témoignage selon lequel « la révolution était accomplie avant que la guerre ne commençât». Et à celle de Tocqueville sa propre insistance sur la passion de la liberté, dont il pensait qu’elle était répandue en France avant l’éclatement de la Révolution et qu’elle était prédominante chez des gens qui n’avaient aucune idée de révolution en tête et ne pressentaient pas le rôle qu’ils y joueraient.

À ce stade la différence entre Européens et Américains, formés et influencés par une tradition presque identique, est évidente et marquée. Ce qui en France était manifestement une passion ou un goût était une expérience en Amérique. Et l’usage américain qui invoquait le « bonheur public » là où les Français parlaient de « liberté publique » suggère cette différence de manière tout à fait appropriée. Les américains savaient que la liberté publique consistant à participer aux affaires publiques, loin d’être un fardeau, procurait un sentiment de bonheur qu’ils ne pourraient puiser nulle part ailleurs.  Ce qui les rassemblait c’était le monde et la cause publique de la liberté et ce qui les poussait c’était le désir passionné de se distinguer. Passion dont la vertu est l’émulation, désir d’être meilleur qu’autrui, et le vice l’ambition, qui vise le pouvoir et le moyen de se distinguer. 

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Comparée à la pratique américaine, la préparation des hommes de lettres français qui feront la Révolution étaient on ne peut plus théorique. Sans expérience équivalente à laquelle se référer, ils n’avaient pour les guider que des idées et principes qui n’avaient pas été soumis à l’épreuve de la réalité. L’expression hommes de lettres les désigne bien mieux que notre terme « d’intellectuels » sous lequel nous rangeons ces scribes et écrivains professionnels dont le travail répond au développement de la bureaucratie de l’administration et du gouvernement modernes et à la croissance du besoin de divertissement dans une société de masse.

Les hommes qui en France préparèrent les esprits et formulèrent les principes de la révolution à venir sont devenus les philosophes des Lumières. Leur importance tient non à l’impact de leur œuvre dans l’histoire de la philosophie, mais à l’emploi du mot liberté en plaçant un accent inédit sur la liberté publique. Signifiant ainsi  qu’ils entendaient autre chose que le libre arbitre ou la liberté de pensée dont débattaient les philosophes depuis Saint Augustin[1].

Ce qu’ils avaient en commun avec les pauvres, avant et indépendamment de toute compassion pour la souffrance de ceux-ci, c’était l’obscurité en ce sens que la sphère publique leur était invisible et qu’il leur manquait l’espace public où ils auraient pu devenir visibles. Pour eux la liberté ne pouvait exister que dans cette sphère publique. C’était une réalité tangible du monde, une création humaine dont l’humanité devait jouir. L’espace public créé par l’homme ou la place publique que l’Antiquité avait reconnue comme l’aire où la liberté apparaît et devient visible aux yeux de tous.

 

[1] Voir l’essai Qu’est-ce que c’est la liberté ? dans Entre passé et futur (cours n°2)

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L’amour passionné de la liberté publique peut facilement se confondre avec la haine des maîtres, la soif de libération des opprimés, bien plus véhémente mais politiquement stérile. Elle n’a jamais abouti à une révolution car incapable de concevoir son idée centrale : la fondation d’un corps politique qui garantit l’espace où la liberté peut apparaître.

Dans les conditions modernes l’acte de fondation est semblable à l’élaboration d’une constitution. La convocation d’assemblées constituantes est devenue la marque de la révolution depuis le jour où la Déclaration d’indépendance s’engagea dans la rédaction des constitutions de chacun des États américains qui conduisit à la Constitution de l’Union et à la fondation des États-Unis.

Mais ce qui est resté une marque distincte est le sort de la première constitution française (1791) dont l’autorité fut mise en pièces avant même son entrée en vigueur. Les constitutions se succédèrent jusqu’à ce que la notion même de constitution se désintégrât pour être associée à un manque de réalisme et une trop grande importance accordée au légalisme et aux procédures.

Nous sommes encore aujourd’hui sous cette influence et il nous est difficile de comprendre que la révolution, d’une part, et la constitution et la fondation, de l’autre, sont deux notions corrélées. Au XVIIIe siècle il allait encore de soi qu’il fallait une constitution pour tracer les frontières du nouveau domaine politique et édifier un espace public à l’intérieur duquel la liberté publique et la quête du bonheur public pourraient se donner libre cours au bénéfice des générations à venir, assurant la survie de l’esprit révolutionnaire après la fin de la révolution.

De la révolution (1/2)

Si la Révolution américaine réussit à fonder un nouveau corps politique, elle échoua presque d’emblée dans sa seconde mission, assurer la survivance de l’esprit d’où elle était née. Le bonheur public évoqué par Jefferson devant la Convention de Virginie en 1774 donna naissance dans la Déclaration d’indépendance de 1776 à l’expression « quête du bonheur ». Formule ambiguë qui devait contribuer plus que toute autre chose à une idéologie spécifiquement américaine et à un terrible malentendu.

En estompant la distinction entre bonheur public et bonheur privé, la Déclaration d’indépendance conduisit à prendre l’expression, la « quête du bonheur » dans un double sens. Le bien être privé autant que le droit au bonheur public. La quête du bien-être autant que la participation aux affaires publiques. L’acceptation de l’expression sans son adjectif qualificatif d’origine et l’oubli du second sens de bonheur permettent de mesurer, en Amérique comme en France, l’oubli de l’esprit originel qui avait été manifeste dans la Révolution.

La distinction posée par Robespierre entre liberté civile et liberté publique offre une ressemblance évidente avec l’utilisation vague et conceptuellement ambiguë du terme bonheur chez les Américains.

Les hommes des révolutions, tant préoccupés par le phénomène de la tyrannie qui prive ses sujets à la fois des libertés civiles et de la liberté publique, du bien-être privé comme du bonheur public, ne réussirent à distinguer la séparation entre le privé et le public, entre intérêts privés et bien commun, qu’au cours des révolutions.

Quand ces deux principes entrèrent en conflit. 

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Les hommes des révolutions avaient fait connaissance avec le bonheur public, et l’expérience fut assez profonde pour leur faire préférer la liberté publique aux libertés civiles. Derrière les théories de Robespierre on peut discerner la question qui troublera les révolutionnaires : si la fin de la révolution signifie la fin de la liberté publique, est-il souhaitable de mettre fin à la révolution ?

L’évolution du nouveau gouvernement des États-Unis, si Robespierre avait pu l’observer, aurait confirmé ses doutes. Les droits civils n’avaient jamais été sérieusement restreints, les fondateurs étaient devenus les gouvernants de sorte que la fin de la révolution ne signifiait nullement la fin  de leur bonheur public. Pourtant l’accent se déplaça presque aussitôt du contenu de la Constitution, la création et la séparation des pouvoirs, à la Déclaration des droits énonçant les entraves qu’il fallait imposer au gouvernement, donc de la liberté publique à la liberté civile, ou d’une participation aux affaires en vue du bonheur public à la garantie que la quête du bonheur privé serait protégée et encouragée par les pouvoirs publics. La formule équivoque de Jefferson, la quête du bonheur, fut ainsi presque immédiatement privé de son double sens et comprise comme le droit des citoyens à agir selon les règles égoïstes de l’intérêt personnel.

Les pères fondateurs eurent la majorité du peuple de leur côté tout au long de la guerre et de la Révolution. Mais même durant cette période l’énergie déployée par Jefferson et Adams pour qu’on réservât un espace au bonheur public entra en conflit avec les désirs farouches et foncièrement antipolitiques de se débarrasser de toutes les obligations et devoirs publics. La question de savoir si le but du gouvernement était la prospérité ou la liberté n’a jamais été réglée.

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La meilleure illustration que le caractère ambigu des révolutions naquit d’une équivoque dans l’esprit des hommes qui en furent les acteurs se trouve dans les « Principes du gouvernement révolutionnaire » étonnamment contradictoires énoncés par Robespierre. Il commence par définir l’objectif d’un gouvernement constitutionnel comme la préservation de la république fondée par gouvernement révolutionnaire dans le but d’instaurer la liberté publique. Pour ensuite, de lui-même, rectifier : « Sous le régime constitutionnel, il suffit de protéger les individus contre l’abus de la puissance publique ». La liberté change de lieu, elle réside dans la vie privée des citoyens.

Liberté et pouvoir sont scindés, début de l’identification fatale du pouvoir à la violence, du pouvoir au gouvernement et du gouvernement à un mal nécessaire.

À rebours de ce qui s’est passé en Europe les notions de bonheur public et de liberté politique n’ont jamais complètement disparu de la scène américaine. Elles sont devenues parties intégrantes de la structure même du corps politique de la république.

Cette structure possède-t-elle un socle de granit capable de résister aux futilités bouffonnes d’une société plongée dans l’opulence et la consommation, ou cèdera-t-elle sous la pression de la richesse comme les communautés européennes ont cédé sous la pression de la misère ? 

Pour Arendt, au moment où elle écrit (1963), il existe autant de signes qui justifient l’espoir que de signes instillant la crainte. 

Publié dans cours, Arendt

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