Une belle raison de vivre : cultiver l'attention aux choses et aux êtres

Publié le par Thierry Ternisien d'Ouville

 

Avoir été confronté au niveau professionnel,  familial, amical, associatif et politique à un aveuglement digne de la lettre volée d'Edgar Poe, si on ne se protège pas un minimum, consume.

Cette protection ce fut la lecture d'écrivains d'après-guerre, et en premier lieu de Hannah Arendt. Lecture qui coïncida avec la transformation radicale de l'entreprise dans laquelle je travaillais. Lecture qui fut suivie de celle de Bernard Stiegler analysant le pharmakon numérique et sa transformation de remède en poison faute de thérapie politique  associée à son développement. Technologie numérique au centre de l'activité de mon milieu de travail.

Ces lectures et quelques autres, je les partageais dans le cadre d'association où elles rencontrèrent un certain écho.

Tout s'accéléra à partir de 2017 avec l'interdiction de continuer à enseigner à partir de 2018 pour limite d'âge (67 ans).

Je pressentis alors que le passé analysé par Arendt et le futur redouté par Stiegler allaient se rejoindre bientôt. Ce fut très rapide puisque après la répression violente du mouvement des Gilets jaunes, la pandémie psychique du Covid s'abattit sur nous.

La lettre volée d'Edgar Poe c'est la résurgence du totalitarisme rendu à nouveau possible sans camps de concentration mais avec le confinement puis la ségrégation permise par le pharmakon numérique.

L'aveuglement, à quelques exceptions près, fut total à tous les niveaux et d'une violence inouïe, avec pour principaux moyens l'isolement et le silence.

Je commence juste à m'en remettre ayant compris qu'il ne s'agissait pas d'un passage mais de la phase terminale de la civilisation moderne qui nous avait conduit à un monde sans monde (Arendt) et une époque sans époque (Stiegler), nous ayant fait entrer dans ce que Anders appelait le délai.

Délai comme celui précédant notre mort personnelle. La mort de la civilisation moderne est en cours. Elle fait et fera beaucoup de blessures à panser chez chacun de nous et sur le monde que nous partageons malgré tout et si difficilement.

Ce sera possible en cultivant l'attention aux choses et aux êtres. Une belle raison de vivre.

Publié dans Pænser le monde

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